Réforme de la procédure civile

Deux décrets du 6 mai 2017, pris en partie pour l'application de la loi de modernisation de la Justice du XXIe siècle, modifient substantiellement la procédure civile.

Le décret n°2017-891 porte réforme des exceptions d’incompétence et de la procédure d’appel en matière civile (I). Le décret n°2017-892 est relatif à la modernisation et à la simplification de la procédure civile (II). 

I. La réforme des exceptions d’incompétence et de la procédure d’appel en matière civile Les nouvelles dispositions du décret n°2017-891 entreront en vigueur le 1er septembre 2017 (à l'exception de dispositions relatives aux demandes d'aide juridictionnelle).

Parmi les principales modifications opérées par ce texte, on peut relever :

1/ La fin du régime dérogatoire du contredit : les décisions tranchant des exceptions d’incompétences relèvent désormais de l’appel.

2/ Une redéfinition de l’objet de l’appel, dont il est précisé qu'il s'agit d'une voie de recours visant à critiquer la décision des premiers juges[1].

3/ La consécration de la fin de l'appel général, en imposant à l’appelant de mentionner à peine de nullité, dans sa déclaration d’appel, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf appel afin de nullité du jugement ou appel indivisible.[2]

4/ La limitation de l’effet dévolutif de l’appel : le décret n'impose désormais de statuer à nouveau en fait et en droit que dans les limites qu'il détermine[3] et affirme le principe selon lequel « l'appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent ».[4]

5/ L’introduction du principe de concentration temporelle des prétentions et moyens qui s’applique dès le premier jeu de conclusions à peine d'irrecevabilité relevée d'office ou soulevée par la partie adverse. Le décret comprend toutefois des aménagements permettant la prise en compte d'une évolution avérée du litige.

6/ La limitation des prétentions nouvelles recevables en appel. Ne sont désormais recevables que les prétentions nouvelles qui sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire des prétentions soumises aux premiers juges.

7/ La modification des délais de remise des conclusions au greffe

Avant le décret

Avec le décret

Appelant : 3 mois pour conclure à compter de la déclaration d’appel.

Les délais sont harmonisés et passent à 3 mois pour toutes les parties, appelant, intimé à un appel principal, incident ou provoqué[5].

Intimé : 2 pour mois pour conclure et former, le cas échant, appel incident à compter de la notification des conclusions de l’appelant.

L’intimé à un appel incident ou à un appel provoqué : 2 mois pour conclure à compter de la notification de la notification qui lui en est faite.

 

La réforme ajoute une cause d'interruption des délais en cas de médiation judiciaire. L'interruption de ces délais produit ses effets jusqu'à l'expiration de la mission du médiateur.[6]

8/ L’instauration de délais impératifs dans le cadre des procédures d’urgence.

En cas de procédures à bref délai :

 -  le délai imparti à l’appelant pour notifier la déclaration d’appel est réduit à dix jours

 - le délai imparti à l’appelant pour conclure est réduit à un mois à compter de l’ordonnance 

- le délai imparti à l’intimé pour conclure et former appel incident à peine d’irrecevabilité est également d’un mois à compter des conclusions de l’appelant.[7]

- Toutes les parties sont soumises au même délai d'un mois pour remettre des conclusions au greffe de la cour, même s'il est prévu que le président de la chambre saisie ou le magistrat désigné par le premier président peut d'office, par ordonnance, impartir des délais plus courts que ceux prévus aux alinéas précédents.

9/ La non-remise des conclusions par voie électronique en cas de représentation obligatoire s’effectue toujours à peine d'irrecevabilité relevée d'office mais le décret modifie l’alinéa 2 de l’article 930-1 CPC pour permettre un envoi par lettre recommandée avec demande d'avis de réception « lorsqu'un acte ne peut être transmis par voie électronique pour une cause étrangère à celui qui l'accomplit ».

10/ La modification du délai de saisine de la juridiction de renvoi après cassation qui est réduit à deux mois au lieu de quatre mois.

11/ L’instauration, en cas de renvoi devant la cour d’appel, des délais impératifs d’échange des conclusions.

 

II. La modernisation et la simplification de la procédure civile

Le décret n°2017-892 du 6 mai 2017 portant diverses mesures de modernisation et de  «simplification» de la procédure civile révèle par ailleurs une refonte sensible de la procédure civile.

Il est pris en application de l'article 9 la loi n° 2016-1547 de modernisation de la justice du XXIe siècle et de l'article 59 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

1/ Il refond le régime de la récusation et du renvoi pour cause de suspicion légitime, en s'inspirant de celui prévu dans le code de procédure pénale.[8]

2/ Cette réforme permet au juge de constater d'office la péremption d'instance après avoir invité les parties à présenter leurs observations.[9]

3/ En procédure orale, il instaure une structuration des conclusions lorsque toutes les parties comparantes formulent leurs prétentions et moyens par écrit et sont assistées ou représentées par un avocat.[10] Cette disposition est applicable aux seules instances introduites à compter de l’entrée en vigueur du décret, soit à compter du 11 mai 2017.

4/ En matière de « référé 145 », le décret prévoit la possibilité d’une dispense de comparution du défendeur ayant, avant l’audience, acquiescé à la demande.[11]

5/ Il procède à une simplification des règles applicables aux notifications internationales et crée l’article 689-1 du CPC, qui permet à une partie demeurant à l’étranger de déclarer au greffe son élection de domicile en France, aux fins de notification à ce domicile élu.

6/ Le décret consacre l’acte de procédure d’avocats. En effet, la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle ayant ouvert le champ de la procédure participative à la mise en état du litige, le décret en décline les applications procédurales.

C’est ainsi qu’après avoir modifié l’article 1544 du code de procédure civil en ces termes : « Les parties, assistées de leurs avocats, œuvrent conjointement, dans les conditions fixées par convention, à un accord mettant un terme au différend qui les oppose ou à la mise en état de leur litige. », le décret introduit un nouvel article qui dispose que « Le juge ordonne le retrait du rôle lorsque les parties l'informent de la conclusion d'une convention de procédure participative ».[12]

7/ En appel, la conclusion d’une procédure participative aux fins de mise en état interrompt les délais impartis pour conclure et former appel incident.[13]

8/ L’article 1546-3 précise ensuite ce que les parties peuvent notamment faire via l’acte de procédure d’avocats : constater les faits qui ne l'auraient pas été dans la convention ; déterminer les points de droit auxquels elles entendent limiter le débat, dès lors qu'ils portent sur des droits dont elles ont la libre disposition ; convenir des modalités de communication de leurs écritures ; recourir à un technicien ; désigner un conciliateur de justice ou un médiateur.

9/ Le décret instaure la communication électronique obligatoire des actes de procédure devant le tribunal de grande instance en matière contentieuse pour les instances introduites à compter du 1er septembre 2019, à peine d’irrecevabilité relevée d’office.[14]

10/ Pour les procédures devant le TGI, le décret modifie également l'article 753 du code de procédure civile en prévoyant que les conclusions doivent formuler expressément les prétentions des parties ainsi que les moyens en fait et en droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée « avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation ». Ce nouvel article 753 est applicable aux seules instances introduites à compter de l’entrée en vigueur du décret, soit à compter du 11 mai 2017.

11/ Concernant la mise en état devant le TGI, doit être relevée la modification de l’article 764 alinéa 3 selon laquelle le calendrier de la mise en état est fixé, non plus après avoir recueilli l'accord des avocats, mais après avoir recueilli leur simple avis.

12/ Le décret modifie des dispositions réglementaires relatives aux experts, notamment en consacrant la possibilité d'un recours contre les décisions de retrait des listes d'expert, la motivation des recours contre les décisions de refus d'inscription sur les listes d'experts.

Enfin, le décret modifie le code des procédures civiles d'exécution, en définissant le régime procédural de l’ordonnance rendue sur requête par le juge de l’exécution pour autoriser les mesures conservatoires et d’exécution forcée portant sur les biens des Etats étranger. [15]

[1] Code de procédure civile (CPC), art. 542

[2] CPC, art. 901-4°,mod.

[3] CPC, art. 561 CPC, mod.

[4] CPC, art. 562, mod.

[5] CPC, art. 908, 909 et 910, mod.

[6] CPC, art. 910-2, nouv.

[7] CPC, art. 905-1 et 905-2, nouv.

[8] CPC, art. 341 et s., mod.

[9] CPC, art. 388, mod.

[10] CPC, art. 446-2 alinéa 2, mod.

[11] CPC, art. 486-2, nouv.

[12] CPC, art. 1546-1, nouv.

[13] CPC, art. 1546-2, nouv.

[14] CPC, art. 796-1, nouv.

[15] Code des Procédures Civiles d’Exécution, article R.111-1 et suivants.

 



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