Marque : la similitude des signes ne s’évalue pas en fonction de la renommée et du caractère distinctif de la marque antérieure

CJUE, 10e ch., 11 juin 2020, aff. C-115/19 P, China Construction Bank Corp. c/ EUIPO, Groupement des cartes bancaires

La CJUE a estimé, dans un arrêt du 11 juin 2020, qu’il était « erroné en droit d’évaluer la similitude des signes en conflit en fonction de la renommée de la marque antérieure » (CJUE, 10e ch., 11 juin 2020, aff. C-115/19 P, Point 59).  

L’arrêt en question concernait une société qui avait souhaité enregistrer auprès de l’EUIPO le signe . Non content de cela, le groupement des cartes bancaires a formé opposition en se fondant sur la marque antérieure .

L’EUIPO a fait droit à cette opposition au motif qu’il existait un risque de confusion entre les deux signes au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b, du règlement n°207/2009. Cette décision est confirmée devant le Tribunal de l’Union européenne qui rejette le recours comme étant non fondé.

La CCB avait alors formé un pourvoi en annulation de l’arrêt.

La CJUE intervient donc pour trancher la question de savoir si l’analyse de la similitude des signes en présence peut prendre en compte la renommée et le caractère distinctif de la marque antérieure « CB », bien connue dans le système des transactions par cartes bancaires notamment.

Dans un premier temps, la CJUE rappelle que l’examen de la similitude des signes en conflit consiste en une comparaison visuelle, phonétique et conceptuelle fondée sur l’impression d’ensemble que ces signes laissent, eu égard à leurs qualités intrinsèques, dans la mémoire du public pertinent (Ibid, point 56).

Quant au caractère distinctif de la marque antérieure, la Cour indique qu’il concerne l’aptitude de cette marque à identifier les produits ou les services pour lesquels elle a été enregistrée comme provenant d’une entreprise déterminée et donc à distinguer ces produits ou services de ceux d’autres entreprises (Ibid, point 56).

La renommée d’une marque est, pour sa part, déterminée dès lors que cette marque est connue, dans une partie substantielle du territoire pertinent, d’une partie significative du public qui est concerné par les produits ou les services désignés (Ibid, point 57).

La Cour estime dès lors que l’analyse de la similitude des signes en conflits est indépendante de la renommée et du caractère distinctif de la marque antérieure. En effet, le fait que la marque antérieure ait un caractère distinctif élevé en raison de sa renommée ne permettra pas de déterminer que les marques en présence sont similaires.  

C’est pourquoi, la Cour décide qu’il est « erroné en droit d’évaluer la similitude des signes en conflit en fonction de la renommée » (Ibid, point 59).

En outre, la Cour ajoute que la renommée et le caractère distinctif du signe ne permet pas non plus de déterminer quel composant dudit signe constitue l’élément dominant dans la perception du public pertinent (Ibid, point 61).

Aussi, la Cour considère que le Tribunal ne pouvait déduire de la renommée de la marque antérieure que l’élément verbal dominant était « CB ».

Enfin, dans cet arrêt, la CJUE estime que le Tribunal a commis un défaut de motivation en ce qu’il n’a pas suffisamment apprécié la renommée de la marque antérieure en fonction de la catégorie générale des services désignés par cette marque relatif aux « affaires financières, affaires monétaires et aux affaires bancaires », se limitant aux services de la sous-catégorie des services permettant de réaliser des transactions par carte bancaire (Ibid, points 75 et 76).

Cet arrêt s’inscrit dans la continuité d’une jurisprudence qui tente de définir l’analyse du risque de confusion lorsque l’un des deux signes est une marque renommée. Questionnement d’autant plus pertinent au vu de la loi n°2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite « Loi Pacte », intervenue pour modifier les dispositions en matière de procédure d’opposition, ajoutant de nouveaux droits antérieurs dont la marque renommée.

Les titulaires de droits antérieurs peuvent donc invoquer une marque renommée telle que cela est désormais prévu en vertu de l’article L.713-3 du Code de la propriété intellectuelle.

S’il est toutefois à noter que, compte tenu de la date des faits, cet arrêt a été rendu en vertu des dispositions matérielles antérieures du règlement 207/2009 et non des nouvelles dispositions du règlement sur la marque de l’Union européenne 2017/1001, un tel arrêt semble tout à fait pertinent et transposable pour comprendre l’analyse du risque de confusion lorsqu’une marque renommée est en jeu.

 



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