Loi Travail : examen complet de la santé au travail

L'article 102 de la loi du 8 août 2016 modifie en profondeur les règles applicables dans plusieurs domaines de la santé au travail : l'inaptitude physique du salarié, domaine qui suscite un abondant contentieux et la médecine du travail, domaine qui suscite de nombreuses controverses, sont concernées. I. Inaptitude physique des salariés : définition, uniformation et procédures simplifiées Deux modifications de fond en matière d'inaptitude physique des salariés. D'une part, la procédure de constatation par le médecin du travail d'une telle inaptitude est remaniée. D'autre part, son régime est unifié, quelle que soit l'origine de la maladie ou de l'accident du salarié.      a. L'avis du médecin du travail est plus encadré 1. Une définition de l'inaptitude physique insérée dans le Code du travailJusqu'à présent, les notions d'aptitude physique au poste et d'inaptitude physique n'étaient pas expressément définies par le Code du travail. L'article 102 de la loi (C. trav. art. L 4624-3 réécrit et L 4624-4 nouveau) comble ces lacunes en clarifiant ces notions. 2. La procédire de constatation de l'inaptitude physique est remaniéeLa procédure de constatation de l'inaptitude physique par le médecin du travail suscite actuellement un contentieux fourni.A compter de l'entrée en vigueur de la loi la décision du médecin du travail de déclarer inapte un salarié sera nécessairement postérieure à:une étude du poste du salarié, effectuée par le médecin du travail ou un membre de l'équipe pluridisciplinaire ;un échange entre le médecin du travail, le salarié et l'employeur.(C. trav. art. L 4624-4 nouveau)Un décret (à paraître) devrait préciser les modalités pratiques de mise en œuvre de l'article L 4624-4. 3. L'avis d'inaptitude physique doit être assorti de conclusions écritesDorénavant, l'avis d'inaptitude physique rendu par le médecin du travail est obligatoirement éclairé par des conclusions écrites, assorties d'indications relatives au reclassement du salarié (C. trav. art. L 4624-4 nouveau), notamment sur la capacité du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté (C. trav. art. L 1226-2 et L 1226-10 modifiés). 4. Contestation de l'avis du médecin du travail : nouvelle compétence du Conseil de prud'hommesActuellement, l'employeur ou le salarié qui conteste l'avis du médecin du travail - avis d'aptitude ou d'inaptitude physique - doit saisir l'inspecteur du travail d'un recours.Depuis l'entrée en vigueur de la loi, l'employeur ou le salarié qui conteste les éléments de nature médicale justifiant les avis, propositions ou conclusions du médecin du travail doit saisir le conseil de prud'hommes en référé (C. trav. art. L 4624-7, I nouveau).Bon nombre des recours formés auprès de l'inspecteur du travail sont de nature non médicale (ex : contradiction apparente dans l'avis médical). La loi n’indique pas si l'inspecteur du travail restera compétent pour examiner ces contestations.  b. Unification des régimes de l’inaptitude, d’origine professionnelle et non professionnelle. 1. Le reclassement s'impose même si l'inaptitude est constatée en cours d'exécution du contrat de travailDésormais, le régime juridique attaché à la constatation de l'inaptitude physique s'applique au salarié, qu'il ait été déclaré inapte en cours d'exécution de son contrat de travail ou à l'issue d'un arrêt de travail (C. trav. art. L 1226-2 et L 1226-10 modifiés). 2. L'employeur peut être dispensé de recherche de reclassement par le médecin du travailLa loi du 17 août 2015 (Loi Rebsamen) a autorisé le médecin du travail à dispenser l'employeur de son obligation préalable de reclassement lorsque le maintien du salarié dans l'entreprise présente un risque grave pour sa santé.Cette possibilité, en pratique, était limitée aux salariés victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, et titulaires d'un contrat de travail à durée indéterminée.L'article 102 de la loi Travail étend cette possibilité à tous les salariés, quelle que soit l'origine de leur inaptitude physique - professionnelle ou non - et quel que soit la durée de leur contrat de travail - indéterminée ou déterminée. 3. Les procédures de reclassement sont concentréesUne procédure particulière s'impose à l'employeur lorsqu'il cherche à reclasser un salarié inapte à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle : consultation des délégués du personnel, information du salarié par écrit.La loi Travail accorde ces garanties au salarié dont l'inaptitude résulte d'une affection non professionnelle, lorsque la recherche d'un reclassement s'impose. 4. La rupture du contrat possible après le refus de proposition(s) de reclassement conforme(s)Lorsque l'employeur est tenu à une obligation préalable de reclassement le contrat de travail ne peut être rompu qu'en cas d'impossibilité de proposer un emploi de reclassement répondant à des critères spécifiques ou de refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions.Désormais, dès lors que l'employeur a proposé au salarié au moins une offre de reclassement loyale, sérieuse et conforme à l'avis du médecin du travail, son obligation est remplie. En conséquence, la rupture du contrat de travail est possible si le salarié refuse une telle offre.  II. La médecine du travail change de cible Désormais, seuls les travailleurs affectés à des postes à risque bénéficieront d’une visite médicale d’embauche. Les autres salariés ne bénéficieront que d’une visite d’information et de prévention après leur embauche. a. Fin de la visite médicale d’embauche pour les travailleurs « classiques » En lieu et place de la visite médicale d'embauche, une visite d'information et de prévention est organisée après l'embauche, dans un délai fixé par décret (à paraître), pour les salariés affectés sur des postes ne présentant pas de risque particulier.Le rapport « Aptitude et santé au travail » remis au gouvernement le 18 mai 2015 a proposé que cette visite soit organisée dans les 6 mois suivant l'embauche du salarié.Bien que ce délai de 6 mois ne soit pas confirmé, il faut en déduire que l'aptitude du salarié à son poste n'est plus vérifiée a priori. Cet incohérence amènerait les professionnels de la médecine du travail à déclarer un salarié inapte à son poste sans que son aptitude ait été évaluée dès l'origine. b. Un espacement des rendez-vous périodiques avec le médecin du travail Actuellement, les salariés doivent être examinés par le médecin du travail au moins tous les 2 ans pour vérification de leur aptitude. Ce suivi médical va désormais être effectué selon des modalités et une périodicité définies par un décret (à paraître).Ce décret prendra en compte les conditions de travail (ex : travail de nuit), l'état de santé (handicap, état de grossesse, etc.) l'âge du salarié, ainsi que les risques professionnels auxquels il est exposé.Le rapport « Aptitude et santé au travail » susmentionné a proposé que les salariés qui ne sont pas exposés à des risques particuliers soient vus par le médecin du travail tous les 4 à 5 ans. 

 



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