Reclassement dans les groupes de société : la loi Macron vient assouplir les exigences jurisprudentielles

En matière de licenciement économique dans les groupes de société, la mise en œuvre de l’obligation de reclassement constitue un sujet complexe, parfois plus sensible que celui du motif économique et qui génère un contentieux important où il n’est pas rare de voir l’employeur succomber, le non-respect de l’obligation de reclassement équivalent à un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur ce terrain, les tribunaux se montrent plus exigeants que le législateur, ce dernier s’étant initialement contenté de prévoir que les offres de reclassement devaient être «  écrites et précises ». 

La Cour de Cassation a précisé que, dans le contexte d’un  groupe, il fallait étendre les recherches à toutes les entreprises de ce groupe dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel (Cass. soc. 13-12-2011 n° 10-21.745).

Puis la Cour de Cassation est venue ajouter qu’outre le fait d’être effective et sérieuse, précise et concrète, la recherche devait être compatible avec les compétences du salarié.

Enfin, la Chambre Sociale, est venue poser l’exigence que l’offre de reclassement soit personnalisée : exit la diffusion de la liste des postes disponibles sur l'intranet de l'entreprise ou l'envoi d'un même document (lettre circulaire) à tous les salariés concernés. Même si récemment  la haute juridiction a admis qu’une lettre circulaire de demande de recherche de reclassement adressée à une autre société du groupe était suffisamment personnalisée dès lors qu’elle comportait le nom des salariés leur classification et la nature de leur emploi (Cass. Soc. 22 octobre 2014, n°13-20.403).

En pratique l’exigence du reclassement signifie souvent un « casse-tête » logistique pour l’employeur dans les groupes dotés d’une implantation mondiale.

Sous couvert d’éviter le scandale des postes de reclassement proposés en Roumanie avec un salaire dérisoire, la loi  du 18 mai 2010 (nouvel article L. 1233-4-1 du code du Travail) était déjà venue alléger le fardeau de l’employeur en  introduisant le principe du questionnaire de mobilité, invitant le salarié à se prononcer sur son souhait d’aller travailler à l’étranger, avant d’engager des recherches inutilement.

Le projet de loi Macron pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économique adopté le 19 février par l’Assemblée Nationale et qui sera examiné en séance publique au Sénat à partir du 7 avril prochain  change la donne : il limite l’obligation de reclassement aux « emplois disponibles situés sur le territoire national », charge au salarié qui le désire de demander à recevoir des offres de reclassement à l’étranger.  Il devra alors dans ce cas préciser ses éventuelles restrictions, notamment en matière de rémunération et de localisation. L’employeur devrait lui transmettre les offres correspondantes, celles-ci devant être écrites et précises.

Si la loi est adoptée, on assistera donc à un inversement de la charge entre l’employeur et le salarié sur la mise en œuvre de la recherche de reclassement à l’étranger. Un décret doit préciser les modalités d’application de cette disposition insérée dans le code du Travail sous un nouvel article L.1233-4-1. On attendra notamment avec intérêt  la définition de la notion « d’offre d’emploi disponible ».

La loi Macron comporte d’autres mesures visant à améliorer le quotidien des employeurs contraints de procéder à des licenciements économiques. On citera notamment:

La possibilité pour l'employeur de fixer unilatéralement le périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements à un niveau inférieur à celui de l'entreprise.La confirmation de l’absence de contrôle administratif pour les licenciements de moins de 10 salariés sur une même période de  trente jours, dans les entreprises de cinquante salariés et plus.En cas d’annulation par le juge administratif de la décision de validation/homologation de l’accord collectif/document unilatéral pour le seul motif d’insuffisance de motivation, la Direccte devra prendre une nouvelle décision dans un délai de 15 jours, courant à compter de la notification du jugement, pour remotiver sa décision. Ceci évitera à la société d’avoir à réintégrer les salariés ou à leur verser une indemnité d’au moins six mois de salaire.