La rupture conventionnelle, mesure phare de la loi portant modernisation du marché du travail votée sous la présidence Sarkozy le 25 juin 2008, a-t-elle du plomb dans l'aile?
Cette mesure a atteint son zénith en 2012 avec 320 000 ruptures représentant 16 % des fins de CDI (25 % pour les salariés âgés de 58 à 60 ans).
Pour l'employeur, elle constitue un moyen de se séparer des personnes n'entrant plus dans le projet d'entreprise sans subir la lourdeur et les risques d'une procédure de licenciement.
Pour le salarié, elle permet de s'octroyer une pause dans un parcours professionnel sans démissionner ni être licencié tout en obtenant à la fois des indemnités de départ et les allocations chômage. Plus de la moitié des ruptures conventionnelles sont ainsi provoquées par le salarié.
La rupture conventionnelle a d'ailleurs quasiment marginalisé la démission. C'est ainsi que certains ont pu parler, à propos de la rupture conventionnelle, de « chômage de complaisance ».
Inconvénient majeur du dispositif en ces temps de crise: son coût pour la collectivité.
En effet, n'est-il pas contradictoire de déplorer le coût trop élevé du travail, la lourdeur des charges sociales pour les entreprises, l'état de quasi faillite des caisses de retraite et de chômage et de tolérer que les ruptures conventionnelles pèsent pour près de la moitié du déficit de l'ASSEDIC qui avoisine les 4 milliards d'euros ?
Alors, de manière relativement habituelle en France, les gouvernements successifs ont "détricoté" ce que les précédents avaient mis en place.
1er acte : l'alourdissement, au travers des lois de financement de la sécurité sociale successives, des charges sociales sur les indemnités de rupture. Aujourd'hui, ces indemnités (légales et extra légales) sont soumises à cotisations dès lors qu'elles dépassent 2 PASS, soit 75.096 euros en 2014.
Deuxième coup de canif porté au dispositif en 2013, la soumission d'une partie de l'indemnité spéciale de rupture conventionnelle à un forfait social de 20% à la charge de l'employeur. Cette mesure renchérit le cout des ruptures conventionnelles par rapport aux transactions conclues postérieurement à un licenciement.
Et maintenant le coup de grâce?
L'article 6 du projet d'Accord National Interprofessionnel sur l'indemnisation du chômage du 22 mars 2014, intégré à la convention d'assurance chômage conclue le 14 mai, prévoit que les salariés quittant leur entreprise avec une indemnité supra-légale (hors plan social) pourront attendre jusqu'à 180 jours pour toucher leur allocation, contre 75 actuellement.
Concrètement, l'ancien plafond de 75 jours est dépassé dès que l'indemnité supra-légale atteint 6 750 €. Le nouveau plafond de 180 jours est atteint dès 16 200 €, s'appliquant non seulement aux indemnités transactionnelles mais également aux indemnités prévues par les conventions collectives lorsqu'elles sont plus favorables que la loi.
Ainsi, pour des cadres bénéficiant d'une certaine ancienneté ou percevant des rémunérations élevées, le seuil sera presque toujours dépassé et il pourra même y avoir des cas où les allocations « perdues » seront supérieures aux indemnités supra-légales perçues.
Autre modification introduite par le nouveau règlement, le passage de 61 à 62 ans de l'âge donnant droit à une prolongation des allocations jusqu'à l'ouverture des droits retraite.
Il ne fait nul doute que ces nouvelles règles feront réfléchir un cadre à deux fois avant d'accepter une rupture conventionnelle. Elles laissent présager un renchérissement des ruptures négociées, le salarié demandant plus pour combler son déficit d'indemnisation chômage.
Retour à la case départ ?
Le nouveau et sérieux coup porté au dispositif des ruptures conventionnelles mènera inévitablement à une augmentation des licenciements portés au contentieux.
Le nouveau Règlement a été transmis pour consultation le 4 juin 2014 au Conseil national de l'emploi (CNE) avant agrément par le ministère du Travail.
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