Adoptée au cœur de l'été 2016, la loi El Khomri officiellement intitulée « loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels » a pour ambition première de créer un droit du travail plus souple et adaptable d'une entreprise à l'autre.
C'est en ce sens que le législateur a posé le principe de primauté de l'accord d'entreprise sur les autres normes en matière de durée du travail et de congés.
Nous mettrons ici l'accent sur cette mesure phare et controversée de la loi ainsi que sur ses dispositions instituées afin de faciliter la négociation collective.
La loi Travail contient bien d'autres chapitres sur lesquels nous reviendrons en détail au travers de nos brèves (durée du travail, instances représentatives du personnel, licenciement économique et santé au travail).
S'agissant de la négociation collective, les principales évolutions à retenir sont les suivantes :
1. La primauté donnée aux accords d'entreprise
Auparavant, les accords collectifs (de branche ou d'entreprise) ne pouvaient pas être moins favorables aux salariés que ce que la loi dispose. Sauf exceptions mineures, l'accord d'entreprise ne pouvait pas non plus être moins disant pour les salariés que l'accord de branche.
Dorénavant, les dispositions négociées au niveau de l'entreprise pourront être moins favorables à celles négociées au niveau de la branche d'activité en ce qui concerne la durée du travail et les congés.
Il ne s'agit pas là d'une réelle inversion de la hiérarchie des normes puisque le Code du travail prévoit toujours des dispositions minimales auxquelles les accords de branche ou d'entreprise ne peuvent déroger.
En revanche, c'est sur le périmètre respectif entre l'accord d'entreprise et l'accord de branche que le véritable changement s'opère. L'accord d'entreprise prime désormais sur l'accord de branche en matière de durée du travail et de congés. Cette mesure est d'application immédiate.
Dès à présent, il est donc possible de mettre en place des mesures très innovantes et adaptées à chaque situation par accord d'entreprise en matière de durée du travail et de congés.
La loi prévoit que cette primauté donnée à l'accord d'entreprise s'étendra à d'autres pans du droit du travail à l'horizon de deux ans.
2. La généralisation de l'accord majoritaire d'entreprise
Le législateur a voulu donner plus de légitimité aux accords d'entreprise en instituant le principe de l'accord majoritaire.
En effet, la loi prévoit que l'accord majoritaire devient la règle c'est-à-dire que les accords devront être signés par des syndicats ayant recueilli plus de 50% des suffrages aux dernières élections professionnelles (contre 30% actuellement avec un droit d'opposition pouvant être exercé après la signature par un ou plusieurs syndicats représentant 50% des suffrages).
Si les signataires possèdent entre 30 et 50% des suffrages, ils pourront tout de même signer l'accord à condition qu'il soit approuvé par la majorité des salariés après un vote organisé selon les principes généraux du droit électoral.
Les nouvelles règles vont entrer en vigueur progressivement : dès la parution de la loi s'agissant des accords de préservation ou de développement de l'emploi, à partir du 1er janvier 2017 pour les accords portant sur la durée du travail, les repos et congés et à compter du 1er septembre 2019 pour les autres accords.
Cette mesure risque de rendre plus ardue la signature des accords d'entreprise car réunir 50% des suffrages n'est généralement pas chose aisée.
3. Des règles de négociation collective plus incitatives
La loi souhaite également promouvoir la (re)négociation des accords. A cette fin, elle instaure le principe de l'accord à durée déterminée.
Alors qu'auparavant la règle était, faute de précision contraire, qu'un accord collectif était conclu pour une durée indéterminée, désormais l'accord est présumé limité à 5 ans.
Les rédacteurs d'accord collectifs auront donc intérêt à indiquer clairement que l'accord est à durée indéterminée s'ils ne veulent pas voir s'éteindre l'accord au bout de 5 ans.
Par ailleurs, les règles de révision des accords sont clarifiées et assouplies.
Le législateur met un terme à la règle du « parallélisme des formes » qui impliquait qu'un accord soit révisé dans les mêmes conditions que sa signature. Cela pouvait entraîner des situations de blocage en cas de disparition d'un syndicat signataire en cas de souhait de renégocier un accord d'entreprise.
Par Julia Mohamed
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