La portée de la confidentialité dans les procédures de prévention des difficultés d’une entreprise renforcée par la Cour de Cassation

Le droit des entreprises en difficulté met en place deux sortes de traitement des difficultés d’une entreprise ; l’un amiable à travers les procédures de mandat ad hoc et de conciliation, et l’autre judiciaire par le biais des procédures collectives.

La procédure de mandat ou de conciliation consiste à instaurer des discussions entre l’entreprise en difficulté et ses principaux partenaires (banques, fournisseurs notamment) aux fins d’obtention d’abandons et/ou de moratoires.

A l’inverse du traitement judiciaire des difficultés, le traitement amiable tire toute son efficacité de la confidentialité auxquels sont soumis les personnes appelées à la procédure ou qui par leurs fonctions en ont eu connaissance (article L. 611-15 du code de commerce). La confidentialité permet par exemple de se prémunir contre des pressions auxquelles pourraient être soumis le débiteur et vise à sauvegarder l’image et le crédit de ce dernier.

Cette confidentialité permet aussi aux créanciers de l’entreprise de discuter en toute sécurité d’éventuelles concessions de leur part sans la crainte, en cas d’échec des discussions, d’une quelconque révélation des efforts que ces créanciers avaient été disposés à consentir.

La confidentialité est donc le socle des procédures amiables de traitement des difficultés d’une entreprise.

Dans un arrêt en date du 13 juin 2019, qui s’inscrit dans la lignée d’un arrêt du 15 décembre 2015, la Cour de Cassation a eu l’occasion de renforcer la portée de l’obligation de confidentialité applicable dans les procédures amiables.

En l’espèce, la société MERGERMARKET Limited avait publié sur son site internet spécialisé plusieurs articles faisant état des procédures de traitement amiable auxquelles était soumise la société CONSOLIS, citant notamment des informations précises et chiffrées relatives au contenu même des négociations en cours.

La société CONSOLIS et la société FHB, en qualité de mandataire ad hoc puis de conciliateur, ont saisi le juge des référés afin qu’il prononce le retrait des articles préjudiciables et ont assigné parallèlement la société MERGERMARKET Limited dans le but d’obtenir la réparation du préjudice subi résultant de la diffusion d’informations confidentielles.

Dans un arrêt en date du 14 septembre 2017, la Cour d’appel de Versailles a fait droit aux demandes formulées par les sociétés CONSOLIS et FHB, ès-qualités, et a condamné la société MERGERMARKET Limited a la réparation du préjudice résultant de la violation de l’obligation de confidentialité.

La société MERGERMARKET Limited se pourvoi alors en Cassation, ce qui donnera lieu à la décision du 13 juin 2019 présentement analysée. 

Au soutien de son recours, la société MERGERMARKET Limited estime en premier lieu que l’obligation de confidentialité ne trouve pas à s’appliquer à un organe de presse, lequel n’est que tiers à la procédure.

Or, tout comme dans son arrêt du 15 décembre 2015, la Cour de Cassation rejette ce moyen, et applique lato sensu l’obligation de confidentialité aux organes de presse ayant eu connaissance de l’existence d’une procédure amiable et du contenu des négociations, peu importe qu’ils soient partie ou non à la procédure amiable.

Les journalistes viennent ainsi rejoindre la liste des personnes soumises à l’obligation de confidentialité dans le cadre du traitement amiable des difficultés d’une entreprise, parmi lesquels figurent les organes de la procédure (conciliateur, mandataire ad hoc, Président du Tribunal), les conseils, les créanciers appelés à participer aux négociations, ou encore les salariés et associés du débiteur. 

 

En second lieu, la société MERGERMARKET Limited a soutenu que la diffusion de ces informations contribuait à informer le public sur une question d’intérêt général, informations qui n’étaient en conséquence pas protégées par la confidentialité de la procédure.

Là encore, la Cour de cassation rejette le moyen en considérant que les informations diffusées étaient précises, chiffrées et révélaient le contenu même des négociations en cours, de sorte qu’elles n’étaient pas de nature à participer à une question d’intérêt général mais visaient seulement à informer un public restreint concerné directement par la procédure amiable.

La Cour de cassation confirme dans cet arrêt sa jurisprudence selon laquelle, face à la liberté d’expression, la confidentialité qui participe au succès des procédures de traitement amiable des difficultés d’une entreprise doit primer, sauf à ce que l’information divulguée relève de l’intérêt général.

 

Un organe de presse engage donc sa responsabilité en divulguant des informations relatives à l’existence ou au contenu des négociations initiées dans le cadre d’une procédure de traitement préventif des difficulté d’une entreprise, lesquelles ne sont pas d’intérêt général et restent soumises à la confidentialité.



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