Le décret n°2020-1131 du 14 septembre 2020, publié au J.O du 15 septembre 2020, relatif à la reconnaissance en maladies professionnelles des pathologies liées à une infection au SARS-CoV2 consacre un nouveau tableau n°100 pour le régime général et n°60 pour le régime agricole au titre des « AFFECTIONS RESPIRATOIRES AIGUËS LIÉES À UNE INFECTION AU SARS-COV2 ».
Tableau n°100 (régime général) :
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Tous travaux accomplis en présentiel par le personnel de soins et assimilé, de laboratoire, de service, d'entretien, administratif ou de services sociaux, en milieu d'hospitalisation à domicile ou au sein des établissements et services suivants : établissements hospitaliers, centres ambulatoires dédiés covid-19, centres de santé, maisons de santé pluriprofessionnelles, établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, services d'aide et d'accompagnement à domicile intervenant auprès de personnes vulnérables, services de soins infirmiers à domicile, services polyvalents d'aide et de soins à domicile, centres de lutte antituberculeuse, foyers d'accueil médicalisés, maisons d'accueil spécialisé, structures d'hébergement pour enfants handicapés, appartements de coordination thérapeutique, lits d'accueil médicalisé, lits halte soins santé, centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie avec hébergement, services de santé au travail, centres médicaux du service de santé des armées, unités sanitaires en milieu pénitentiaire, services médico-psychologiques régionaux, pharmacies d'officine, pharmacies mutualistes ou des sociétés de secours minières |
Tableau n°60 (régime agricole) :
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La promesse d’Olivier VERAN, Ministre de la santé, relative à une reconnaissance « systématique et automatique » en maladie professionnelle pour les personnels soignants atteints par le coronavirus, a été tenue.
Cependant, à la lecture de ces tableaux, il apparaît que les conditions médico-administratives instaurées apparaissent très restrictives, limitant fortement l’application du principe de la présomption d’imputabilité professionnelle lors de la reconnaissance d’une maladie professionnelle.
Rappelons qu’en application de l’article L.461-1 du Code de la sécurité sociale, « est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau ».
La reconnaissance du caractère professionnel d’une pathologie visée dans un tableau de maladie professionnelle est subordonnée à la réunion de trois conditions cumulatives :
- la désignation de la maladie,
- le délai de prise en charge, à savoir le délai à compter duquel la victime doit faire médicalement constater son affection alors qu’elle n’est plus exposée au risque,
- et la liste des travaux susceptibles de provoquer la maladie.
I - La condition relative à la désignation de la pathologie
1 – L’exigence d’une affection respiratoire sévère
Les tableaux n°100 (régime général) et n°60 (régime agricole) visent la même maladie décrite de la manière suivante :
« Affections respiratoires aiguës causées par une infection au SARS-CoV2, confirmée par examen biologique ou scanner ou, à défaut, par une histoire clinique documentée (compte rendu d’hospitalisation, documents médicaux) et ayant nécessité une oxygénothérapie ou toute autre forme d’assistance ventilatoire, attestée par des comptes rendus médicaux, ou ayant entraîné le décès ».
La seule infection au COVID-19 ne saurait suffire pour satisfaire à l’exigence de désignation de l’affection.
En premier lieu, l’assuré(e) devra cumulativement présenter :
- une affection respiratoire aigüe (bien entendu causée par la SARS-COV2),
- ayant nécessité d’une assistance ventilatoire ou ayant entrainé le décès,
En deuxième lieu, il devra justifier d’un examen obligatoire confirmant la réalité de cette affection sévère, par un examen biologique, un scanner ou des documents médicaux dans le cadre d’une hospitalisation.
Ainsi, seuls les cas sévères ayant le plus généralement exigés une hospitalisation en service de réanimation sont visés au tableau et seront susceptibles de bénéficier d’une reconnaissance « automatique » en maladie professionnelle.
2 – La reconnaissance en maladie professionnelle hors tableau des affections ne remplissant pas les conditions des nouveaux tableaux demeure possible
Quid des salariés ayant été déclarés positifs au COVID-19 et présentant des séquelles (fatigue récurrente, perte de l’odorat, état dépressif …) mais qui n’ont pas présenté une affection respiratoire aigüe, ni bénéficié d’une assistance respiratoire ?
Certes, il existe toujours la possibilité d’une reconnaissance d’une maladie dite hors tableau, lorsqu'il est établi devant un Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles (CRRMP) que la maladie est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou un taux d’incapacité permanente prévisible d’au moins ou égal à 25%.
La maladie hors tableau implique ainsi que la victime soit décédée, soit qu’elle soit atteinte d’une forme sévère avec complications majeures et un retour à la normale long et difficile, permettant au médecin conseil près la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de fixer un taux d’IP prévisible d’au moins 25%.
S’agissant néanmoins d’un taux d’IP prévisible, il s’avère en pratique que celui-ci est souvent admis d’office par le médecin conseil, afin de permettre la saisine du CRRMP.
Enfin, la reconnaissance d’une maladie hors tableau implique d’être en mesure d’établir le lien essentiel et direct entre la maladie et le travail, ce qui n’est pas simple au regard des différents modes connus de transmission du COVID-19 et restreint les cas éligibles à une reconnaissance en maladie professionnelle.
II – Sur la condition portant sur la liste limitative des travaux
Le tableau n°100 du régime général fixe la liste limitative des travaux susceptibles de provoquer la maladie dans les termes suivants :
« Tous travaux accomplis en présentiel par le personnel de soins et assimilé, de laboratoire, de service, d'entretien, administratif ou de services sociaux, en milieu d'hospitalisation à domicile ou au sein des établissements et services suivants :
- établissements hospitaliers,
- centres ambulatoires dédiés au Covid19,
- centres de santé,
- maisons de santé pluriprofessionnelles,
- EHPAD,
- SAAD intervenant auprès de personnes vulnérables,
- services de soins infirmiers à domicile,
- services polyvalents d'aide et de soins à domicile,
- centres de lutte antituberculeuse,
- foyers d'accueil médicalisés,
- maisons d'accueil spécialisé,
- structures d'hébergement pour enfants handicapés,
- appartements de coordination thérapeutique,
- lits d'accueil médicalisé,
- lits halte soins santé, centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie avec hébergement,
- services de santé au travail,
- centres médicaux du service de santé des armées,
- unités sanitaires en milieu pénitentiaire,
- services médico-psychologiques régionaux,
- pharmacies d'officine,
- pharmacies mutualistes,
- sociétés de secours minières
Activités de soins et de prévention auprès des élèves et étudiants des établissements d’enseignement
Activités de transport et d’accompagnement des malades, dans des véhicules affectés à cet usage ».
Bien que de nombreuses activités soient répertoriées et englobent le personnel administratif et d’entretien, il n’en demeure pas moins que seul le secteur des soins et assimilés apparaît concerné.
Le tableau n°60 du régime agricole apparaît encore plus restrictif (notamment car il ne concerne que les institutions relevant du régime agricole) et prévoit pour sa part :
« Tous travaux accomplis en présentiel par le personnel administratif, de soins et assimilé ou d’entretien, au sein des établissements et services suivants dépendant d’organismes ou d’institutions relevant du régime de protection sociale agricole :
– les services de santé au travail ;
– les structures d’hébergement et de services pour personnes âgées dépendantes ;
– les structures d’hébergement pour adultes et enfants handicapés ;
– les services d’aide et d’accompagnement à domicile intervenant auprès de personnes vulnérables. »
Les personnels soignants ou assimilés de droit privé en établissements de santé ou en EHPAD, qui sont en contact avec des patients contaminés, sont donc directement visés.
La création de ce tableau permettra également aux agents de la fonction publique, notamment hospitalière, de bénéficier de la reconnaissance d’une maladie imputable au service, sous réserve que les conditions médico-administratives soient remplies.
Toutefois, qu’en est-il des « personnels travaillant pour le fonctionnement indispensable du pays », comme les désignait l’Académie de médecine, notamment dans les secteurs de droit privé de l’alimentation, des transports en commun, du nettoyage, de la livraison ou de la sécurité, qui ont continué au quotidien à travailler durant le confinement ?
Pour des motifs liés à la sécurité juridique, l’ensemble des secteurs d’activités concernés ne pouvait être visé dans une liste non limitative des travaux, d’autant que la seule mention des « métiers en contact avec le public » ne pouvait être admise.
Cela reviendrait à accorder l’application de la présomption d’imputabilité à toute personne en contact avec autrui dans le cadre de son activité professionnelle, ce qui n’exclut en réalité personne, même à ce jour.
L’article L 461-1 du Code de la sécurité sociale prévoit néanmoins que : « Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime. »
Comme dans le cas d’une maladie dite hors tableau citée ci-avant, la demande de reconnaissance sera soumise au CRRMP, lequel pourra admettre que la maladie a été essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime, mais que la condition de décès ou de taux d’IP prévisible d’au moins 25% n’a pas à être préalablement remplie.
L’hôtesse de caisse ou le conducteur-receveur de bus devra alors justifier que l’affection telle que désignée au tableau (avec les exigences restrictives précitées) est liée à une infection au COVID-19 intervenue pendant l’exercice de son activité professionnelle et non dans le cadre de sa vie privée.
A cet égard, il importe de noter que le décret n° 2020-1131 du 14 septembre 2020 prévoit une simplification de l’instruction devant le CRRMP, afin de permettre un traitement plus rapide des dossiers qui lui seront soumis :
« Pour les affections non désignées dans ces tableaux et non contractées dans les conditions de ces tableaux, le décret confie l’instruction de ces demandes à un comité de reconnaissance des maladies professionnelles unique, dont la composition est allégée pour permettre une instruction plus rapide des dossiers, tout en maintenant les garanties d’impartialité.
(…)
le directeur général de la Caisse nationale de l’assurance maladie peut, en application du 3° de l’article L. 221-3-1 du code de la sécurité sociale, confier à un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles l’instruction de l’ensemble des demandes de reconnaissance de maladie professionnelle liées à une contamination au SARS-CoV2 et comprenant:
1° Un médecin-conseil relevant du service du contrôle médical de la Caisse nationale de l’assurance maladie ou de la direction du contrôle médical et de l’organisation des soins de la caisse centrale de la mutualité sociale agricole ou d’une des caisses locales, ou un médecin-conseil retraité ;
2° Un professeur des universités-praticien hospitalier ou un praticien hospitalier particulièrement qualifié en matière de pathologie professionnelle, réanimation ou infectiologie, en activité ou retraité, ou un médecin du travail, en activité ou retraité, remplissant les conditions prévues à l’article L. 4623-1 du code du travail, nommé pour quatre ans et inscrit sur une liste établie par arrêté du directeur général de l’agence régionale de santé. Il perçoit une rémunération dans les conditions mentionnées au 3° de l’article D. 461-27 du code de la sécurité sociale. »
Nous resterons attentifs aux avis qui seront rendus par le CRRMP unique, lequel peut soit statuer de manière très restrictive, soit au contraire, étendre le bénéfice à des maladies moins sévères et déduire le lien essentiel et direct avec le travail au regard de la seule proximité avec le public lors de l’exercice de l’activité professionnelle.
A suivre…
Sophie TREVET, Avocat, strevet@marvellavocats.com
Thomas KATZ, Avocat of Counsel, tkatz@marvellavocats.com
What
Employment
• Droit de la Sécurité sociale