Éric Zemmour condamné pour contrefaçon de droits d’auteur en raison de son clip de campagne

droits d'auteur

Mis en cause pour avoir utilisé, sans autorisation des ayants droits, des extraits de films dans sa vidéo de campagne sur la chaîne YouTube, Eric Zemmour a notamment fondé sa défense sur le recours au mécanisme de la courte citation.

En effet, les extraits litigieux ne constitueraient que des courtes citations justifiées par le caractère informatif de la vidéo, constituant selon eux une nouvelle œuvre, à laquelle les images auraient été incorporées et qu'ils seraient dès lors en droit de se prévaloir de l'exception de courte citation.

Focus sur le mécanisme de l’exception de courte citation et de son rejet par le Tribunal

Par principe, l’auteur a seul le droit de divulguer son œuvre. Et, le droit d’exploitation appartenant à l’auteur comprend respectivement le droit de représentation et le droit de reproduction.

Ce monopole est toutefois contraint par quelques exceptions selon lesquelles l'auteur ne peut interdire « l'utilisation » de son œuvre à certains desseins (copie privée, courte citation, revue de presse…).

L’exception de courte citation figure donc parmi les dérogations permettant d’utiliser une œuvre sans obtenir le consentement de l’auteur.

Pour rappel, aux termes de l’article L. 122-5 du Code de la propriété intellectuelle, lorsqu’une œuvre a été divulguée, l'auteur ne peut interdire les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d'information de l'œuvre à laquelle elles sont incorporées1.

Cette exception ne joue que si le nom de l'auteur et la source ont été clairement indiqués.

Dans le cas d’Eric Zemmour, plusieurs obstacles au recours à cette exception ont été identifiés par le Tribunal :

- absence de source : le nom des titulaires de droit n’a pas été indiqué : en effet, il y aurait eu un lien « Voir plus » qui aurait permis d’accéder aux informations relatives aux extraits accompagnant le discours ; or, les procès-verbaux ne permettent pas de confirmer qu’à la date des constats, ce lien était effectivement accessible. Et, le nom des titulaires de droit n’a pas été précisé.

- absence de caractère « critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information » : bien que suffisamment courts, car chaque extrait ne dure que quelques secondes alors qu’ils sont issus de longs métrages, le Tribunal considère que ces extraits ne sont présents qu’à titre de simples illustrations en guise de fond visuel du discours prononcé, lequel n’entretient aucun « dialogue » avec les extraits d’œuvres en cause, qui ne sont pas ici introduits afin d’éclairer un propos ou d’approfondir une analyse.

Les extraits litigieux ne visent donc aucunement un but d’information.

Pour que l’utilisation puisse en effet être qualifiée d’informative, comme le soutiennent les défendeurs, encore faudrait-il que l’information dispensée ait trait aux œuvres auxquelles les extraits litigieux ont été empruntés or, celle-ci est exclusivement axée sur la candidature d’Eric Zemmour.

Le Tribunal a ainsi écarté l’application de l’exception.

Aussi, pour mettre en œuvre l’exception de courte citation, il convient de se demander si :

  • le nom de l’auteur et la source sont mentionnés clairement ;

  • ces citations sont bien justifiées par le caractère d’information, autrement dit est-ce qu’elles sont introduites afin d’éclairer un propos ou d’approfondir une analyse ? Est-ce qu’elles apportent une information particulière ?

  • la citation ne porte en aucune façon atteinte à l'exploitation normale de l'œuvre originale, ni ne cause un préjudice qui pourrait être injustifié aux intérêts légitimes de l'auteur ;

  • elles répondent à l’exigence de brièveté : autrement dit, elles doivent n’être qu’un accessoire de l’œuvre dans laquelle elles s’insèrent. 

 

1 Article L. 225-5 du Code de la propriété intellectuelle : « Lorsque l'œuvre a été divulguée, l'auteur ne peut interdire : 3° Sous réserve que soient indiqués clairement le nom de l'auteur et la source : a) Les analyses et courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d'information de l'œuvre à laquelle elles sont incorporées ; (…) »

Découvrez le lien vers le jugement ci-après.

 

Géraldine Camin, avocate et Salomée Barkat, élève-avocate.

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