La Cour d'appel de Versailles reconnaît le caractère original de la photographie du violoniste Yehudi Menuhin

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Le concerto des juges sur le portrait du violoniste Yehudi Menuhin réalisé par le photographe Ingi : une photographie qui bénéficie de la protection du droit d’auteur.

Cour d'appel de Versailles, 1ère chambre, 9 février 2021, n° 19/01

L’affaire présentée devant la cour d’appel le 9 février dernier concernait le portrait du violoniste américain Yehudi Menuhin (1916-1999) réalisé en 1960 par le célèbre photographe Louis Ingigliardi (1916-2008), dit Ingi.

Cette photographie, utilisée la même année afin d'illustrer la pochette d'un album, appartenait à l’origine à la société Emi Group, qui a ensuite été absorbée par le label Warner Music Group.

A l'occasion du centenaire de la naissance de Yehudi Menuhin en 2016, la société Parlophone Records Limited décide d’éditer un coffret anniversaire distribué par la société Warner Music France.

La veuve de Louis Ingigliardi relève alors que le portrait réalisé en 1960 par son époux était reproduit à plusieurs reprises au sein du coffret, et apparaissait sur divers sites internet.

Elle estime que les sociétés Warner Music France et Parlophone Records Limited ne disposaient pas de l’autorisation nécessaire pour reproduire cette photographie et que le crédit est inexact.

Aussi, en sa qualité d’ayant-droit, elle assigne donc lesdites société en contrefaçon de droits d'auteur pour les reproductions de la photographie litigieuse.

Faute de parvenir à démontrer l'originalité du cliché, elle est déboutée de ses demandes en première instance et fait appel de la décision.

Les juges rappellent alors classiquement qu’une photographie est originale « lorsqu'elle résulte de choix libres et créatifs de son auteur témoignant de l'empreinte de la personnalité de son auteur ».

La Cour d’appel procède à une analyse minutieuse de ladite photographie. Elle énonce que ces choix libres et créatifs peuvent notamment résulter de la mise en scène, de la pose, de l'éclairage, du cadrage, de l'angle de prise de vue ou encore de l'atmosphère créée.

Les juges considèrent que la pose et l'attitude de Yehudi Menuhin ont été suggérées par le photographe afin de transmettre au spectateur « la vision spirituelle de l'artiste par rapport à son art ».

Il en résulte que le photographe a effectué des choix personnels et libres caractérisant une création artistique originale justifiant sa protection par le droit d'auteur.

Après avoir procédé à cette nécessaire qualification, la Cour se prononce sur les allégations de contrefaçon. Elle rappelle à juste titre que « la reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite ».

Les juges estiment en effet que la photographie litigieuse a été reproduite sur le coffret sans l'autorisation de l’ayant-droit du photographe, et ne disposait pas de crédit de l'auteur de la photographie.

Les faits de contrefaçon, de débit d'ouvrages contrefaits et d'usurpation du nom du photographe sur le cliché litigieux sont donc caractérisés. Les sociétés intimées étaient tenues de vérifier les crédits portés sous la photographie, mentionnés sur la pochette du disque vinyle de 1960.

La Cour ajoute que les faits de contrefaçon sur les sites internet ont été rendus possibles en raison de la contrefaçon des œuvres éditées par Parlophone et commercialisées par Warner Music France.

De nouveau, les juges de la cour d’appel de Versailles n’hésitent pas à rappeler avec pédagogie les conditions de protection d’une photographie à travers cet exemple.

 

Par Salomée Barkat, élève-avocate.