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Co-emploi : La jurisprudence au service d'une meilleure sécurité juridique des restructurations
Philippe Berteaux Avocat à la Cour depuis 1993, Philippe Berteaux a rejoint Marvell avec son équipe en mai 2012 pour y créer un pôle « Restructuring – Procédures collectives ». Il exerçait jusque-là dans sa propre structure dédiée qu'il avait créée en 2007 après avoir débuté sa carrière auprès de spécialistes de premier plan (cabinets Borloo et Lantourne). Lire la suite
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Une nouvelle arme « à la mode »
Il s'agit d'un phénomène presque tiré des lois de la nature.
En cas de restructuration sociale, il faut à la fois un responsable et un payeur solvable, si possible en les réunissant en une seule personne pour que le droit à réparation du préjudice soit pleinement efficace.
La théorie du co-emploi consiste, au sein d'un groupe composé de plusieurs filiales, à dépasser le principe de la personnalité morale de chacune des entités de ce groupe et à révéler une vérité juridique conduisant à rétablir l'identité du véritable employeur, par définition autre que celui porté dans le contrat de travail.
L'employeur « dissimulé » serait ainsi la société mère ou une autre filiale du groupe qui exercerait son pouvoir hiérarchique sur le personnel de la filiale, objet de la restructuration.
Ce concept n'est pas si éloigné de celui de la fictivité de la personne morale que l'on rencontre sous un autre angle en cas d'extension d'une procédure collective d'une société fictive à une autre, considérée comme « maître de l'affaire ».
Sa finalité est de sanctionner financièrement le véritable employeur solvable pour irrégularité de la procédure de licenciement collectif sous l'angle du motif économique et/ou du respect de l'obligation de reclassement au sein du groupe.
Les décisions rendues en février 2014 à quelques jours d'intervalle dans les affaires WOLTERS KLUWER FRANCE, MOLEX INCOPORATED MOLEX INC et FILATURE FRANCAISE DE MOHAIR[1] sont la confirmation du mouvement inflationniste procédural des actions en co-emploi.
Les quelques décisions emblématiques de la Cour de Cassation validant l'action en co-emploi[2], pourront être perçues par certains praticiens et vaillants défenseurs des droits des salariés comme un signe d'encouragement.
Une disparition des frontières
Les groupes internationaux ne peuvent se retrancher derrière des règles de compétence territoriale pour échapper à l'action en co-emploi.
En effet, la Chambre Sociale de la Cour de Cassation a admis que les salariés licenciés pour motifs économiques dans le cadre de restructurations puissent attraire des sociétés étrangères en leur qualité de co-employeurs devant le Conseil de Prud'hommes dans le ressort duquel ils accomplissaient habituellement leur travail.[3]
Cette solution parait d'autant plus solide qu'elle repose sur des principes de compétence édictés par le Règlement Communautaire CE n°44/2001/CE du 22 décembre 2000.
Le principe dégagé par la Cour de Cassation, s'il n'est pas incohérent en droit , est de nature à encourager la pratique d'un « forum shopping » et ce, d'autant qu'en matière prud'homale, la comparution du défendeur, lorsqu'il est étranger, ne s'opère pas par acte extra-judiciaire mais par un simple courrier du greffe.
En réalité, la compétence du Conseil de Prud'hommes va s'apprécier au regard des critères posés par la jurisprudence en matière de reconnaissance de la qualité de co-employeur et non en fonction du lieu du siège social de la personne réputée co-employeur.
Dès lors, les sociétés étrangères d'un groupe, poursuivies dans le cadre d'une action en co-emploi, ne peuvent échapper à un débat sur le fond devant le Conseil de Prud'hommes français quant à leur implication dans la gestion sociale de l'entité qui aura été l'objet d'une restructuration en France. Lire la suite
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