Procès Cahuzac et Wildenstein : pas de règle de non bis in idem en présence de « cas graves »

Par Guillaume Massé, Avocat à la Cour

Saisi par des avocats de la défense plaidant le non bis in idem, le Conseil constitutionnel a rejeté, le 24 juin 2016, la question prioritaire de constitutionalité (« QPC ») contestant le cumul de sanctions fiscales et de poursuites pénales.

Dans le cadre des procès Cahuzac et Wildenstein était posée la question du possible cumul d’un redressement fiscal (CGI art. 1729) et du délit de fraude fiscale (CGI art. 1741). Alors que le redressement fiscal avait déjà été prononcé dans le cadre de l’aspect civil de ces procès, la défense espérait une nouvelle application du principe non bis in idem par le Conseil constitutionnel. Cela aurait permis d’éviter des sanctions pénales pouvant aller jusqu’à 5 ans d’emprisonnement.En effet, en mars 2015, le Conseil avait déclaré inconstitutionnel, au nom du principe de non bis in idem, le cumul de sanctions par l’AMF et par la justice pénale. Cela avait eu pour effet d’annuler de facto le procès EADS pour délit d’initié.

Au contraire, cette fois le Conseil refuse d’étendre le principe en matière de fraude fiscale. En se référant à l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme de 1789, le juge estime que « le recouvrement de la nécessaire contribution publique et l’objectif de la lutte contre la fraude fiscale justifient l’engagement de procédures complémentaires ». Il juge que l’application combinée des deux articles du CGI ne méconnaît ni le principe de nécessité des délits et des peines, ni le principe de proportionnalité des peines, sous réserve que le montant global des sanctions ne dépasse pas le montant le plus élevé de l’une des sanctions encourues.En cas de dissimulation frauduleuse de sommes soumises à l’impôt, le cumul des poursuites est jugé constitutionnel. De par leur « caractère public », les poursuites pénales ont « une exemplarité et une portée dissuasive supplémentaire » qui ne peuvent pas, selon le Conseil, être négligées.

Toutefois, le cumul ne devra s’appliquer qu’aux « cas les plus graves », ce critère de gravité dépendant « du montant des droits fraudés, de la nature des agissements de la personne poursuivie ou des circonstances de leur intervention ».

En revanche, les sanctions pénales pour fraude fiscale ne peuvent être infligées à un contribuable qui, pour un motif de fond, aurait été déchargé de l’impôt par une décision juridictionnelle devenue définitive. Le Conseil anticipe ainsi la possibilité que la Cour européenne des droits de l’homme trouve à redire sur sa réponse à cette QPC.

Les procès Cahuzac et Wildenstein, maintenant qualifiés parmi les « cas les plus graves », vont donc pouvoir reprendre leur cours normal, en septembre 2016.

 



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