Les actions en responsabilité fondées sur l’article L 442-6 I. 5° du Code de commerce sont devenues légion. En effet, dès lors qu’un courant d’affaires établi fait l’objet d’une résiliation sans préavis « raisonnable », le cocontractant évincé peut solliciter la réparation de son préjudice. Il importe peu, à cet égard, que les relations soient contractuelles ou informelles, à durée déterminée ou indéterminée, et que la rupture soit totale ou partielle.
Une des principales difficultés consiste à quantifier l’indemnité, qui s’évalue, selon la jurisprudence, en considération de la marge brute escomptée durant la période d'insuffisance de préavis. La réparation vise donc à compenser les gains non réalisés pendant le préavis, qui aurait dû être accordé. Mais elle peut aussi inclure d’autres conséquences de la rupture, comme les investissements non amortis et les coûts de restructuration, les indemnités versées à des tiers, ou encore l’atteinte à l’image.
La fixation de la durée du préavis qui aurait dû être respecté constitue un autre sujet d’équivoque : en l’absence d’usage défini, d’accord professionnel ou de préavis contractuel, le préavis est déterminé au vu des circonstances de la résiliation : ancienneté des relations, nature des produits ou des services, importance financière des relations commerciales et des investissements réalisés au profit de l’auteur de la rupture, temps nécessaire pour réorienter ses activités, dépendance économique, etc.
Or, un récent arrêt de la Chambre Commerciale de la Cour de cassation (Cass. com. 22 octobre 2013, pourvoi n°12-19500, Vista automobiles c/ JP Froment), est à mettre en exergue, puisque, pour la première fois, il est jugé que le délai de préavis contractuel ne constitue pas un délai minimal à respecter, quelles que soient les caractéristiques de la relation commerciale. La Haute Juridiction considère en effet que « l’existence d’un délai de préavis contractuel ne dispense pas la juridiction d’examiner si ce délai de préavis tient compte de la durée de la relation commerciale et d’autres circonstances au moment de la notification de la rupture », et confirme l’arrêt de la Cour d’appel qui avait, dans cette affaire, réduit le délai de préavis contractuel de vingt-quatre à seulement six mois, en raison de « la faible ancienneté des relations commerciales établies » et des autres caractéristiques de la relation d’affaires. Cette décision, inédite, est guidée par le caractère d’ordre public des dispositions de l’article L 442-6-I-5° du Code de commerce, et va à l’encontre de la force obligatoire des contrats. En effet, jusqu’à présent, si l’existence d’un délai de préavis contractuel ne dispensait pas le juge de vérifier s’il était suffisant, lui permettant ainsi de l’augmenter, la jurisprudence n’avait pas encore envisagé le scenario inverse, à savoir la réduction du délai contractuellement fixé. Il est donc désormais nécessaire, en cas de résiliation de relations commerciales établies, de s’interroger sur la durée du préavis à accorder, et ceci quelle que soit le délai stipulé aux termes du contrat.