Un nouvel outil de financement pour les start-up et jeunes PME : le compte PME Innovation

Par Emmanuelle Sorine La création du compte PME Innovation (CPI) est une mesure phare de la loi de finance rectificative pour 2016.  L’objectif est d’inciter les entrepreneurs qui cèdent leurs titres à réinvestir le produit de la vente dans des jeunes PME. Cette incitation se matérialise par le report de la taxation à l’IR de la plus-value dégagée lors de la vente des titres de leur société pendant tout le cycle de réinvestissement.  Le CPI est un compte personnel, présentant des similitudes avec le PEA, qui donne lieu à l’ouverture d’un compte-titres et d’un compte-espèces associés. Le titulaire, ayant son domicile fiscal en France, y apporte les titres qu’il envisage de céder dès lors que certaines conditions d’éligibilité sont respectées.  

I. Conditions d’éligibilité au CPI 

Conditions relatives aux titres déposés 

Les titres éligibles sont ceux qui relèvent du régime de l’abattement renforcé pour les plus-values de cession :  

Société créée depuis moins de 10 ans lors de l’acquisition, non issue d’une reprise ou extension d’activité existante, d’une restructuration ou d’une concentration PME passible de l’IS ayant son siège dans l’Espace économique européen N’accordant aucune garantie en capital à ses associés ou actionnaires en contrepartie de leur souscription Exerçant une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, sauf gestion de son propre patrimoine mobilier ou immobilier  Conditions relatives au titulaire du compte Il doit : Soit avoir exercé dans la société une fonction de direction (au sens de l’ISF) ou une activité salariée pendant au moins 24 mois et détenir ou avoir détenu à un moment quelconque depuis sa création avec son groupe familial au moins 5 % des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux ; ce seuil n’est pas exigé lorsque la valeur des titres excède 50% de la valeur brute du patrimoine du titulaire du compte ; soit détenir ou avoir détenu à un moment quelconque depuis sa création avec son groupe familial 25 % des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux ;  soit être signataire d’un pacte d’actionnaires ou d’associés personnes physiques, portant sur au moins 25 % des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux, dont l’un au moins des signataires a exercé des fonctions de direction pendant au moins 24 mois et détient ou a détenu au moins 5 % des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux  et dont chaque signataire détient au minimum 1% des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux. A titre transitoire, le texte prévoit la possibilité de déposer sur le compte espèces du CPI les liquidités issues de la cession de titres éligibles intervenue depuis le 1er janvier 2016 jusqu’au 31 décembre 2017, sous réserve que le cédant réponde aux conditions posées pour le titulaire du compte. II. Fonctionnement du CPI  Le compte espèces est alimenté par le prix de cession des titres inscrit sur le compte, par les compléments de prix de cession le cas échéant, ou, jusqu’au 31 décembre 2017 par le prix de cession des opérations réalisées depuis le 1er janvier 2016. Ces liquidités doivent être réinvesties dans les 2 ans de la cession (ou de la perception du complément de prix)  :  soit dans la souscription au capital de PME « cibles » dont le titulaire du compte n’est ni associé, ni dirigeant, répondant à certaines conditions posées dans le dispositif d’ISF-PME, notamment être des jeunes PME de moins de 7 ans, non cotées, soumises à l’IS, ayant leur siège dans l’EEE ; soit dans la souscription au capital de PME dont le titulaire du compte est déjà associé ou actionnaire lorsque la souscriptions relève des « investissements de suivi » au sens de l’ISF-PME soit dans la souscription de part ou actions de FCPR, FPCI, SLP ou SCR Avec un engagement d’accompagnement effectif au plus tard à la fin du 3ème mois suivant l’investissement, sur toute la durée de détention des titres dans le CPI. Le titulaire du CPI doit : exercer une fonction de direction (au sens de l’ISF) rémunérée normalement, ou être administrateur ou membre du conseil de surveillance, ou être lié par une convention d’accompagnement par laquelle il s’engage à participer activement à la définition de la stratégie de la société et à fournir sur demande des prestations de conseil gratuites. En cas d’investissement via un fonds, une SLP ou uen SCR, la condition d’accompagnement doit être remplie par chaque porteur dans chaque société dont l’entité détient des parts ou actions.  III. Le régime fiscal du CPI   L’imposition des gains nets réalisés dans le compte est reportée au moment de la sortie des actifs du compte, soit par retrait de liquidités, soit par retrait de titres acquis en réinvestissement ou en cas de clôture du compte. La plus-value nette déterminée, réduite de l’abattement pour durée de détention applicable, est imposée à l’IR au barème. Ce régime de report n’est appliqué que pour l’IR. Les prélèvements sociaux restent exigibles chaque année de cession. Le transfert de domicile fiscal du contribuable hors de France entraîne les conséquences d’une clôture : le compte peut continuer à fonctionner mais l’exit tax est applicable aux plus-values enregistrées dans le compte et aux plus-values latentes à la date du transfert.   Si le texte voté reflète la prise en compte d’une partie des critiques des investisseurs lors de la présentation du projet, portées par de nombreux amendements, il n’en reste pas moins certaines restrictions très dommageables au succès de cet outil.  On peut regretter les conditions d’éligibilité des titres apportés dans le compte. Cela pourra freiner certains business angels déjà actifs qui ont investi dans des titres ne répondant pas à l’ensemble des critères et devraient faire un tri dans leurs lignes de titres.  Par ailleurs, en cas de remploi via un fonds, une SCR ou SLP, les modalités imposées (même délai d’investissement de 24 mois, convention d’assistance avec chaque porteur et chaque société du portefeuille) rendent de facto le dispositif inopérant pour ce type d’investissement.  Enfin, l’absence d’exonération d’ISF des liquidités du compte en attente de remploi ôte à ce nouveau véhicule ce qui aurait représenté un atout indéniable pour attirer les entrepreneurs. Il ne reste qu’à souhaiter une évolution du texte pour que le CPI trouve son efficacité. 

 



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