⇨ « Pour les entreprises qui n’étaient pas dotées d’une charte ou d’un accord Télétravail au moment du Covid, que conseillez-vous dans l’immédiat (dans l’hypothèse où les périodes de télétravail vont encore être privilégiées dans les mois qui viennent) ?
Aucun texte ne contraint l’employeur à se doter d’une charte ou d’un accord d’entreprise sur le télétravail. En clair, il est tout à fait possible de convenir de la mise en place du télétravail avec un salarié de gré à gré sans cadre global.
Toutefois, la pandémie de Coronavirus a très nettement accéléré le besoin de normalisation du télétravail. En effet, les entreprises qui n’étaient dotées d’aucune règle formalisée ont éprouvé le besoin de structurer cette nouvelle organisation du travail, ne serait-ce que pour fixer le nombre de jours hebdomadaire de télétravail.
D’ailleurs, nous avons constaté également que de nombreux clients déjà dotés d’une charte ou d’un accord ont également souhaité l’adapter du fait de l’ampleur du recours au télétravail depuis mars 2020.
Cela démontre bien l’utilité d’un texte de référence permettant de définir les règles du télétravail au sein de l’entreprise. D’autant que la législation en la matière laisse une grande marge de manœuvre aux entreprises pour adapter, via le dialogue social, le télétravail aux réalités du terrain.
Nous ne pouvons donc qu’encourager les dirigeants et DRH à se doter de tels outils qui permettent d’éviter de nombreux écueils : différence de traitement, isolement, litige sur la prise en charge des frais etc.
⇨ Qu’apporte l’ANI récemment rédigé sur le télétravail ?est-il contraignant pour toutes les entreprises ?
L’ANI du 26 novembre 2020 aborde de nombreuses questions qui ont déjà été traitées par l’ANI de 2005 et l’ordonnance Macron du 22 septembre 2017 tout en les précisant et en les complétant : volontariat, prise en charge des frais professionnels par l’employeur, droit à la déconnexion, droit au respect de la vie privée, prévention des risques liés à l’isolement, spécificités du télétravail en période exceptionnelle.
L’entrée en vigueur de ce texte n’entrainera aucun changement radical en matière de télétravail : il ne contient rien de « normatif ou prescriptif » comme l’avait annoncé le MEDEF dans le cadre des négociations. Pour l’essentiel, il précise un certain nombre de règles (notamment celle de la prise en charge de frais) et de bonnes pratiques. Petite nouveauté : l’ANI indique qu’un entretien annuel doit être organisé avec le télétravailleur afin d’analyser sa charge de travail.
L’ANI est actuellement en cours de signature par les partenaires sociaux (et ce, jusqu’au 23 décembre 2020) et il devrait entrer en vigueur le 1er janvier 2021 après parution au Journal Officiel.
A sa signature, l’ANI ne liera que les entreprises qui sont adhérentes d’une des organisations signataires (vraisemblablement le MEDEF, la CPME et l’U2P). Lorsque l’ANI sera étendu, il s’appliquera à une échelle nationale et interprofessionnelle. Il n’a néanmoins pas force de loi, les entreprises pourront y déroger par le biais d’un accord d’entreprise.
⇨ La prise en charge financière du Télétravail est un sujet épineux qui reste à définir par chaque entreprise : comment fixer le montant de cette prise en charge ? quelle est la différence entre l’indemnité d’occupation du domicile et la prise en charge des frais professionnels induits par le travail à domicile ?
La question de la prise en charge des frais supplémentaires induits par le télétravail (Internet, téléphone, électricité, fournitures et matériel…) est effectivement souvent un point d’achoppement dans le débat sur le télétravail.
Le principe est que l’employeur est tenu de prendre en charge les dépenses engagées par le salarié pour l’accomplissement de son travail y compris en télétravail. Il s’agit d’un point qui est réaffirmé par l’ANI. Cette prise en charge des frais peut prendre deux formes : soit un remboursement de chaque dépense sur présentation d’une note de frais, soit un versement mensuel d’une indemnité forfaitaire.
Le montant de l’indemnité forfaitaire peut être fixé selon le nombre de jours de télétravail dans le mois. Elle est exonérée de cotisations sociales dans la limite d’un certain plafond déterminé par la loi.
A titre indicatif, le barème de l’URSSAF prévoit une indemnité de 10 € par mois pour un salarié effectuant une journée de télétravail par semaine, 20 € par mois pour un salarié effectuant deux jours de télétravail par semaine, 30 € par mois pour trois jours par semaine….
La prise en charge des frais de télétravail ne doit pas être confondue avec l’indemnité d’occupation du domicile qui compense le désagrément lié à l’utilisation du domicile à des fins professionnelles, notamment du fait que le matériel professionnel est stocké dans le logement du salarié.
Le versement de cette indemnité d’occupation n’est obligatoire que si l’employeur ne met aucun local professionnel à la disposition du salarié.
⇨ Un des aspects majeurs de ce télétravail pendant ce confinement a été « l’intrusion » du professionnel au domicile et dans la vie privée. A tel point que la Cnil a rédigé des recommandations sur le télétravail le 12 novembre 2020, dont une qui recommande aux employeurs de ne pas « imposer l’activation des caméras aux salariés en télétravail qui participent à des visioconférences »*. Est-ce un sujet qui relève du droit à la déconnexion ? quels conseils donnez-vous aux Dirigeants et DRH sur ce point ?
Le droit au respect de la vie privée et le droit à la déconnexion sont des sujets distincts mais très liés. L’un protège l’intimité du salarié dans le cadre de sa vie personnelle et l’autre lui assure la possibilité de ne pas être connecté à un outil professionnel en dehors de son temps de travail.
Lorsque l’entreprise recourt au télétravail, il est nécessaire qu’elle envisage ces deux questions. La charte et l’accord d’entreprise sont fondamentaux pour cela.
Lorsque la CNIL recommande de ne pas imposer l’activation de la vidéo lors d’une réunion, il s’agit de préserver la vie privée du salarié. Elle veut ainsi limiter les intrusions dans la vie personnelle du salarié et notamment éviter la captation de l’image de proches du salarié qui se trouveraient au domicile au moment de la réunion.
Cette position est assez discutable dans la mesure où la diffusion de l’image peut participer à la convivialité dans une période d’éloignement des collègues de travail et préserver de l’isolement.
Il semble néanmoins prudent de suivre la recommandation de la CNIL, à moins que l’employeur puisse justifier que la tenue de la visioconférence à visage découvert est nécessaire en raison de circonstances très particulières. »
Marvell Avocats, 7 avenue Ingres, 75016, Paris – marvellavocats.com
*« De manière générale, la CNIL recommande aux employeurs de ne pas imposer l’activation de leur caméra aux salariés en télétravail qui participent à des visioconférences. (…) Bien que la diffusion de l’image puisse participer à la convivialité dans une période d’éloignement de ses collègues, le télétravail, particulièrement lorsqu’il est subi en raison de la crise sanitaire, peut porter atteinte au droit au respect de la vie privée, tout particulièrement aux autres personnes présentes au domicile. Dès lors, un salarié doit pouvoir en principe refuser la diffusion de son image lors d’une visioconférence en mettant en avant les raisons tenant à sa situation particulière. Seules des circonstances très particulières, dont il appartiendrait à l’employeur de justifier, pourrait rendre nécessaire la tenue de la visioconférence à visage découvert. » Les questions-réponses de la CNIL sur le télétravail – 12 novembre 2020 (site Cnil)